Code du travail et handicap : le piège judiciaire

mme penari.JPGLes déboires et les évènements malheureux, de nombreuses personnes en situation de handicap en ont expérimentés. Il y a peu, c'est le récit d'une nouvelle expérience navrante que nous avons reçu par mail. Licencié par sa société alors que sa maladie - la sclérose en plaques - s'aggravait, Valérie Caruso - Penari s'est engagé dans un combat judiciaire avec son employeur qui l'a emmené jusqu'à la cour d'appel. Le témoignage est d'autant plus bouleversant que c'est une grande société française qui est à l'origine de cette histoire. Je vous laisse découvrir ci-joint son témoignage par mail :

« Madame, Monsieur,


Un  jugement, rendu le 6 décembre dernier par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, m'a permis de mesurer l'ampleur de ma naïveté dans la compréhension de certains articles du Code du Travail applicables aux travailleurs handicapés, et susceptibles d'engendrer de graves méprises.

Peut-être serait-il judicieux d'en revoir le libellé ou d'informer les travailleurs handicapés, afin qu'ils ne gaspillent pas, comme je l'ai fait, leurs économies et leurs illusions dans un procès perdu d'avance.
Dans ce but, je diffuse ce courrier aux administrations concernées, ainsi qu'à l'ensemble des médias et des organismes susceptibles d'informer le public.
Dans ma quête d'établir la justice, il va également sans dire que le jugement de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence fera l'objet d'un pourvoi en cassation.

Je tiens à préciser que ce dossier comporte malheureusement davantage de motifs de griefs, mais les développer ici m'obligerait à mentionner des personnes influentes ; ce que je préfère éviter pour l'instant.


En 1992, diplômée de l'Ecole Supérieure de Commerce de Marseille, je suis embauchée par une société du groupe L'OREAL, nommée aujourd'hui  GEMEY MAYBELLINE GARNIER ( dite GMG ).
En 1997, on me diagnostique une sclérose en plaques.
En 2003 : je suis reconnue travailleur handicapé ; je passe en invalidité 1ère catégorie en 2005, puis en 2ème catégorie en 2007.
Dès 2008, je saisis le Tribunal des Prud'hommes de Cannes, afin de faire reconnaître les préjudices dont je considère être victime eu égard à mon handicap.
En 2009 : je suis licenciée pour inaptitude à mon poste ; ma société ( Gemey Maybelline Garnier ), me signifie mon licenciement en ces termes : « C'est à la première présentation de cette lettre que votre contrat de travail sera définitivement rompu puisque vous êtes dans l'impossibilité d'effectuer votre préavis. Nous attirons votre attention sur le fait qu'à compter de la réception du présent courrier, vous ne pourrez plus bénéficier des 66,56 heures acquises au titre du Droit Individuel à la Formation ».

Cette procédure me conduit devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le but de faire valoir mes droits sur les points suivants :



1 - Licenciement d'un travailleur handicapé sans préavis

- Article L.323.7 : « La durée du préavis, légale ou conventionnelle, est doublée pour les travailleurs handicapés comptant pour plus d'une unité dans le décompte du personnel de l'entreprise, sans toutefois pouvoir excéder trois mois ».
- Article L.1234-4 : « L'inexécution du préavis de licenciement n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin. »

- Je comprenais : mon contrat de travail prévoit un préavis de 3 mois en cas de licenciement. Ma société me notifie mon licenciement le 30 septembre 2009, mon contrat de travail et tous les avantages qui y sont liés, seront rompus 3 mois plus tard, soit le 30 décembre 2009 => Je demande donc réparation.
- La Cour d'Appel dit : "Lorsque le salarié est inapte à reprendre son emploi, l'employeur se trouve libéré du préavis" => Je suis déboutée de ma demande, ma société ne me doit rien.
- Il faut comprendre : Un travailleur handicapé, licencié pour inaptitude médicale, dont le contrat de travail prévoit 3 mois de préavis en cas de licenciement, voit son contrat de travail et tous les avantages liés rompus à réception de sa lettre de licenciement, comme s'il était licencié pour faute grave.


2 - Suppression des Droits Individuels à Formation ( DIF )

- Article 6323-19 CT : " L'employeur doit informer le salarié dans la lettre qui notifie le licenciement, de ses droits en matière de DIF, notamment de la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. »
- Cass Soc 17 février 2010 : « Le manquement de l'employeur à son obligation d'informer le salarié qu'il licencie de ses droits en matière de droit individuel à formation lui cause nécessairement un préjudice, dont les juges peuvent apprécier souverainement le montant ».

- Je comprenais : Les 3 mois de préavis prévus par mon contrat de travail doivent me permettre de mettre à profit les heures de DIF acquises =>  Je demande donc réparation.
- La Cour d'Appel dit : "Lorsque le salarié est inapte à reprendre son emploi, l'employeur se trouve libéré du préavis ... Le salarié n'est pas fondé à reprocher à l'employeur de l'avoir privé de la possibilité de faire valoir ses Droits Individuels à la Formation" => Je suis déboutée de ma demande, ma société ne me doit rien.
- Il faut comprendre : Le travailleur handicapé licencié pour inaptitude médicale perd tout bénéfice aux Droits Individuels à Formation acquis.


3 - Absence de réentraînement au travail :

- Article L5213-5 : « Tout établissement ou groupe d'établissements appartenant à une même activité professionnelle de plus de cinq mille salariés assure, après avis médical, le réentraînement au travail et la rééducation professionnelle de ses salariés malades et blessés. »

- Je comprenais : le groupe L'OREAL, n°1 mondial des cosmétiques,  embauchant plus de 66 000 salariés dans le monde dont environ 13 000 en France, doit assurer le réentraînement au travail de ses salariés malades => Je demande donc réparation.
- La Cour d'Appel dit : « Hormis le fait que la société GMG appartient au groupe L'OREAL, dont les activités sont diverses, il n'est établi par aucun élément du dossier que les établissements exploités par la société GMG ont des liens avec d'autres établissements appartenant à une même activité professionnelle » => Je suis déboutée de ma demande, ma société ne me doit rien.
- Il faut comprendre : La société GEMEY-MAYBELLINE GARNIER appartient au groupe L'OREAL, dont le site internet « loreal.fr » annonce en page d'accueil  « Nous dédions toute notre énergie et nos compétences depuis près d'un siècle à notre unique métier, la cosmétique » ; mais cela ne permet apparemment pas d'en conclure que les sociétés du groupe L'OREAL « appartiennent à une même activité professionnelle » ; donc les sociétés du groupe L'OREAL ne sont pas tenues de respecter cette loi qui incombe aux groupes employant plus de 5000 salariés.


4 - Réduction de la vitrine de primes :

- Article L 3123-11 : «  Porte atteinte au principe d'égalité des salariés travaillant à temps partiel avec ceux occupant un emploi à temps complet, et en particulier à la règle de proportionnalité des rémunérations édictée par l'article L 212-4-2 ( ancien ) du Code du Travail, l'employeur qui subordonne l'octroi d'une rémunération complémentaire à la réalisation d'objectifs de vente identiques pour ces deux catégories de salariés » ( Cass, soc, 4 décembre 1990 n°87-42341 ).

- Je comprenais : Si je travaille à mi-temps et que l'on me demande de réaliser 100% du chiffre d'affaires demandé pour mon portefeuille client, je dois percevoir 100% des primes proposées pour la réalisation de l'objectif ; Or, ma société s'appuie sur une clause spécifique de mon contrat de travail pour ne me payer que 50% de ces primes. Je conteste la légalité de cette clause => Je demande donc réparation.
- La Cour d'Appel dit : « Madame PENARI ne contredit pas sérieusement l'affirmation de l'employeur qui soutient et justifie de ce que le versement de la moyenne des primes perçues a été assuré ... » => Je suis déboutée de ma demande, ma société ne me doit rien.
- Il faut comprendre : Je suis en invalidité 1ère catégorie, et travaille donc à mi-temps. Je dois réaliser 100% du chiffre d'affaires demandé pour mon portefeuille clients pour pouvoir percevoir 50% des primes proposées pour la réalisation d'un objectif à 100%.


5 - Exclusion du plan de redressement :

En 2008, afin de réduire l'effectif de sa branche commerciale, la société GMG met en place un plan de redressement, prévoyant des reconversions et des aides pour la création d'entreprise. Ma société ne m'informe même pas de l'existence de ce plan, et ne répond pas à ma demande d'en faire partie.

- Cass, Civ 4, 9 novembre 2010 et Cass, soc, 12 janvier 2011 et 23 mars 2011 :« L'employeur doit justifier de l'exécution loyale de son obligation de reclassement, par des recherches approfondies et personnalisées de reclassement ».

- Je comprenais : l'obligation de reclassement du salarié déclaré inapte, impose la prise en compte de toutes les solutions possibles, et en priorité celles prévues par un plan de sauvegarde de l'emploi destiné à l'ensemble du personnel. La médecine du travail recommandant un travail à domicile, l'option " création d'entreprise" pouvait me convenir => Je demande donc réparation.
- La Cour d'Appel dit :" Ce projet impliquait une mobilité géographique et fonctionnelle incompatibles avec les préconisations du médecin du travail, et la rupture du contrat de travail ne pouvait intervenir sur une base autre que la législation d'ordre public protégeant les salariés déclarés inaptes à leur emploi" => Je suis déboutée de ma demande, ma société ne me doit rien.
- Il faut comprendre : La création d'une entreprise n'est apparemment pas envisageable en travaillant à domicile; le salarié handicapé en attente d'un reclassement ne peut donc  pas bénéficier des mesures prévues par un plan de sauvegarde de l'emploi.

Cette expérience, que l'on pourrait qualifier d' « extraordinaire » si elle n'était pas dramatique, fait actuellement l'objet de la rédaction d'un livre à paraître.


Je tiens évidemment à votre disposition tous les éléments prouvant mes dires.
En vous remerciant de bien vouloir m'informer de l'usage que vous pourrez faire de ce courrier, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de ma considération.


PS : Vous pouvez également me joindre par mail à l'adresse suivante : valerie.penari@wanadoo.fr »

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